Camille et Sarah goûtent aux joies du klaxon et commencent à en comprendre l'utilité

Publié le par Camille et Sarah

Le pourquoi du pourquoi

 

Alors voilà, ça fait un poil plus de quatre semaines que Sarah et moi avons posé le pied sur le sol chinois et bien qu’il y ait eu, depuis tout ce temps, matière à remplir des lignes, que dis-je, des pages de mails, le temps et surtout l’inspiration me manquaient. On aurait pourtant pu en écrire des pages et des pages, publier des bouquins de 16000 pages, en 10 volumes, édités à La Pléiade, oui mais, d’une, La Pléiade n’en aurait pas voulu, et de deux, pondre 16000 pages nous aurait bien évidemment pris trop de temps, et nous n’aurions alors pas pu nous imprégner, telles de véritables Spongex® (on est payés pour ça, alors cliquez, ça nous fera des sous), de la culture de ce pays et il nous aurait alors été difficile de trouver un contenu respectable, bien que la fac nous ait appris à faire du remplissage sur des dizaines de pages. Alors voilà, au cas où vous ne l’auriez pas encore compris, car je doute encore de votre perspicacité, nous tentons de préciser l’idée que nous nous faisons de ce pays. Cette idée que nous nous sommes faite depuis déjà une trentaine de jours sinon plus, elle va changer, et demain, elle ne serait plus pareille, car tout nous bouscule ici, tout change, en un rien de temps.

 

Le déclic

 

Alors voila, il me fallait un déclic, un évènement marquant qui stimulerait l’envie d’écrire. Et voila que ce déclic est arrivé il y a deux jours, trois peut-être: une gamine, sur le bord de la route qui fait caca sous les yeux des automobilistes, cyclistes et autres motards, et sous mes yeux aussi. Dans cette chaleur, dans cette fournaise, que dis-je, en pleine après-midi, cette petite de 5 ou 6 ans s’est accroupie et a fait caca…Et alors, tout tremblant, j’ai enfin pu lâcher, à haute voix, un « Mais c’est quoi ce pays, bordel! »…

Dieu soit loué, ce déclic ne fut pas trop brutal, ç’eut pu être le premier civet de chien, la première turista (que j’ai tout compte fait chopé et que j’entretiens depuis déjà 2 jours), mon premier accident de vélo, ma première arrestation, mon premier coup de poing dans la face, mon premier enfant, mon premier achat d’enfant, la vente de mon premier rein, le troc de mon foie, bref, non, rien de tout ça,juste une petite qui se permit de déféquer sous mes innocents yeux, que je tentais jusque-là de protéger de ce genre d’évènements qui peut vous foutre en l’air une vie, compromettre votre carrière. Je vais trop loin ? Ok.

 

« Différents », vous avez dit « différents »? Mais c’est une blague ou quoi?!

 

Un pays en mouvement, avec plein de gens, des tonnes, des milliers, des centaines, des dizaines (notre ville compte 2,5 millions d’habitants, notre province en compte 90…), tous différents.  Oui, tous DIFFERENTS. Car s’il est vrai qu’avant de venir ici, ils n’étaient, pour moi, que de petits bruns à lunettes et aux yeux bridés, je me rends compte qu’en fait, par cette différence, j’en ai fait un groupe d’individus, identiques, car tous différents de moi, des gens que j’avais l’habitude de côtoyer, de rencontrer ou simplement de voir. Oui, identiques, car différents. Une différence physique qui les uniformise à mes yeux. Aussi ne serait-il pas étonnant, même si je ne m’en suis pas assuré, de les entendre dire “les européens sont tous pareils, ils se ressemblent tous, ils sont grands, ne sont pas bruns et n’ont pas tous des lunettes”. Oui car de la différence d’un groupe ethnique naît finalement la généralisation des aspects physiques. Me faudra-t-il alors aller en Afrique pour m’affranchir de l’idée que tous les noirs se ressemblent. Je ne pense pas, la leçon chinoise est retenue. Les noirs n’ont pas tous un os dans le nez.

Keep moving!

 

Alors, peut-être que la première chose qui frappe en Chine, c’est l’animation.

Elle est visuelle, et sonore. Visuelle donc, parce que ça bouge tout le temps, les endroits ou l’on va sont toujours bondes (sauf les rares parcs où nous avons traîné qui, eux, n’étaient as toujours pris d’assaut.) Et puis sonore car il y a du bruit, tout le temps, partout. Une bonne quarantaine de coups de klaxons par minute dans rues moyennement fréquentes. Entre autres…

 

On ze road, again.

 

La circulation est anarchique. Le code de la route existe mais les usagers n’en tiennent pas compte, et les policiers se gardent bien de le faire respecter. Ainsi, il n’est pas rare d’apercevoir des vélos sur les autoroutes, de voir une famille entière sur une petite mobylette, tous sans casque bien évidemment. Quand ils cumulent tout ça, on se dit qu’ils sont évidemment fous : une famille avec un enfant en bas âge, tous les trois, sans casque, roulant à contresens sur une route dont la limitation avoisine les 90 kilomètres heure. Sans commentaires. Les feux de signalisation ne servent qu’à indiquer qui a le droit prioritaire de passage mais quand on a le temps de passer, pourquoi ne pas saisir sa chance. Les feux rouges sont donc allègrement grillés, sans que personne, ni même moi, français, pourtant si respectueux du code de la route dans mon pays, n’en sois étonné, choqué, consterné, accablé, révolté et tout ce que vous voulé (c’est pour suivre la série des participes passé, j’emmerde le –ez !). La conduite en contresens est bien entendu illégale, pour autant, elle est très fréquente, de la part des deux roues comme des voitures, elle est envisagée quand elle vous permet de gagner du temps. Ici, on ne fait que courir après le temps, alors tous les moyens sont bons, griller les feux rouges, rouler en sens inverse, couper les lignes, forcer le passage aux carrefours, utiliser toute les voies utilisables, trottoirs, routes, même combat. Seuls un mur les arrêterait.

Hormis les taxis, il nous est d’ailleurs arrivé de prendre des mobylotaxis (appelons-les comme ça). Alors, voila quelque chose de flippant, surtout a trois (2 passagers et 1 conducteur), ça grille son minimum syndical de feux rouges, force la priorité, klaxonne a tout va, colle au cul des bagnoles, camions, bus, taxis, mobylette, vélo-taxi, velo, scooter, piétons, pourvu que l’on gagne du temps.

 

Avance couillon!

 

Et il y a le bruit, incessant, permanent. Ce bruit constant de klaxons. En Argentine, c’était les alarmes de voitures, ici, ce sont les klaxons. Pourquoi pas…Alors le klaxon est une arme, un bouclier. On l’utilise principalement pour manifester son existence. Je sors de chez moi, et PWET gros coup de klaxon. Attention, je sors de ma résidence, et PWET PWET (le second c’est pour dire au revoir… « Mais jamais, JAMAIS un coup de klaxon n’est gratuit, il est toujours, TOUJOURS nécessaire, on n’est pas des sauvages non plus! » « non, non, si peu, surtout sur la route, z’êtes plutôt des gens calmes et civilisés » « bah ouais »). Attention, je m’engage sur la route PWET. Ok, alors là je suis sur la voie de gauche, toi t’es à droite, donc pour établir ma localisation spatiale qui se distingue de la tienne (derrière, sur ta gauche), je klaxonne PWET. Ok, bon, mais attends, là, tu veux venir sur ma voie, c’est vrai t’es 20 bons mètres devant moi, mais bon faut pas déconner quand même. Ah et puis tu m’avais déjà vu, bon mais dans le doute PWET PWET PWET. Bon là je vais tourner donc PWET. Voilà. Notre cobaye aura, sur ces 300 premiers mètres de distance parcourue, klaxonné neuf fois. Ce qui est beaucoup, empressons-nous de le reconnaître. Dialogue de sourds donc, et pourtant, tellement nécessaire. Les Chinois au volant, c’est un peu comme des dauphins, ils voient que dalle mais le bruit, ça il reconnaisse, ça, ça leur parle.

Le klaxon est aussi utilise par les taxis (auto, moto, scooter) pour signaler leur présence et essayer d’appâter le client. Il n’est ainsi pas rare de se faire klaxonner à tout va pour la simple raison que nous sommes piétons, “oh mon Dieu, mais cet homme marche! Il marche!”.

Bizarrement, sans le bruit, mais avec tout autant de mouvement, les endroits nous semblent plus calmes. Il n’y aurait que des vélos, on se dirait “putain, mais c’est calme par ici”. Autre chose bizarre mais heureuse, pas encore vu d’accident, tant mieux, Dieu m’en garde.

 

Rote-moi dessus, c’est une question d’honneur

 

Et puis les bruits du corps qu’on laisse sortir, allègrement, sans qu’il n’y ait aucune gêne. Hier soir, ce petit monsieur, très aimable, parlant un excellent anglais, qui occupe une position haut place dans l’académie de la province de Guangdong, ce monsieur lâchait des rots à tout va, sans que cela ne gêne personne. « Alors, me questionné-je, plus on est haut place dans l’échelle sociale plus on a droit de se lâcher », mais qu’est-ce que ça doit etre d’etre convié à un repas interministériel, avec en sus, la nauséabonde présence du président!

A table, c’est à celui qui fait le plus de bruit en crachant les os dans son assiette. Autant dire que je m’en suis donné à coeur joie en avalant l’intérieur d’un crabe, hier, en présence de gens très sympas, relativement importants, en me disant « ça doit leur faire plaisir ». Je leur aurais annoncé que j’avais la chiasse, ils auraient sauté au plafond, m’aurait remercié. J’en aurais apporté un bol (désolé pour ceux qui mangent en lisant), peut-être même qu’ils se seraient mis à pleurer de joie, who knows ?

 

Et puis leur langue aussi, franchement, faut pas déconner! Tu leur demandes s’ils font du tai chi, en essayant de dire un truc qui ressemble a Taiy Chi, ils comprennent que dalle et quand enfin ils comprennent, ils disent “ah tu veux dire Tayi Si!”, putain, bah ouais ducon, depuis tout à l’heure je ne fais que répéter cela en essayant d’imiter la cigogne, le serpent et le tigre et je te parle de Jacky Chan!

 

 

Alors voilà, en Chine, on en prend plein les yeux, on en prend aussi plein les oreilles, on écoute avec nos yeux et on voit avec nos oreilles. Le jour où je mettrai mes écouteurs dans la bouche, Sarah fera certainement venir ma mère pour qu’on me sorte de ce pays qui confond les sens.

 

 

C.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
E
<br /> J'ai voyagé avec toi ! merci :)<br /> <br /> <br />
Répondre
S
<br /> ahahahAAAHHHHHAAAAHHHHH.... jme marre bien en vous lisant... ça me rappelle de bons et mauvais souvenirs! n'oublie pas de poster un truc qd vous aurez testé l'hôpital chinois :'-)) bien que je ne<br /> vous le souhaite naturellement pas!!<br /> <br /> <br />
Répondre
A
<br /> Le petit plus: http://planete-chinois.cndp.fr/<br /> <br /> <br />
Répondre
G
<br /> Génial !!! , tu nous fais vibrer et tu me donnes envie de partir tout de suite pour découvrir avec mes propres yeux et oreilles ce monde qui semble si fascinant . Keep hooting and don't get run<br /> over by a car babe !!!!<br /> <br /> <br />
Répondre
M
<br /> Intéressant de revivre à travers vos yeux l'ahurrissement délicieux d'une arrivée en Chine. Un an plus tard, ils vous sortiront tous par les trous de nez. Et pourtant, peut être comme moi, vous y<br /> serez toujours... bisous<br /> <br /> <br />
Répondre